Réflexion du 1ier novembre 2009

Témoins de Dieu

« Frère André sera bientôt Saint », lisait-on dans un des courriels que j’ai reçu récemment. Du coup, je me suis demandé s’il aurait été d’accord avec cette affirmation de son vivant. Mon grand-père, Dieu ait son âme, l’a rencontré quelques fois. C’est que mon grand-père habitait sur le terrain de l’Oratoire Saint-Joseph et y a travaillé quelques années. L’avez-vous connu ? C’était un homme généreux. Illettré, mais fort cultivé. Il était débrouillard, il était bon, un saint homme en somme. Mon grand-père ne sera sans doute jamais canonisé, comme les milliers d’ouvrier qui ont construit la Basilique, comme la centaine de milliers de pèlerins qui ont pérégriné vers le dôme de l’Oratoire dédié à Saint-Joseph.

Je ne suis pas contre la canonisation de Frère André, comprenez-moi bien. J’en suis même très fier. Mais n’oublions jamais que c’est la vocation de tout chrétien et de toute chrétienne de tendre à cette perfection de la charité dans le quotidien de leur vie. Et si vous voulez tout savoir, je crois qu’il y a beaucoup plus de saints et de saintes que ne le laissent croire les procès de canonisations.

L’apôtre Jean raconte sa vision : « J’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, races, peuples et langues. » On les a élevés si haut, on les a marqués du sceau éternel, on les a figés dans la cire, et on a oublié qu’ils avaient vécus comme nous, qu’ils avaient doutés parfois, qu’ils s’étaient même trompés peut-être, mais qu’ils avaient tenu bon, malgré tout ! Ils sont des héros de la foi, non parce qu’ils étaient parfait en tout, mais parce qu’ils étaient disponibles et souples « comme ces ouvriers quelconques de l’évangile ».

Les miracles qu’on attribue à ces saints et saintes sont, en réalité, l’œuvre de Dieu et ça serait se faire grand tort que d’imaginer que le Frère André ait construit à lui seul l’œuvre de l’Oratoire et rendu possible toutes ces guérisons dont témoignent les ex-voto. Un seul est vraiment Saint, ne nous faisons pas d’illusion. Cependant, Dieu veut nous communiquer sa sainteté. Et c’est sans doute ce qu’il y a d’original dans la foi catholique. En la personne de son Fils, j’ose même prétendre, comme le disaient jadis les Pères de l’Église, que Dieu nous divinise.

Mais qu’est-ce que la sainteté au juste ? Pour Dominique Savio, la sainteté consiste simplement à nous maintenir dans la Joie. Selon mère Teresa, on ne peut se décider à être un saint ou une sainte sans qu’il en coûte beaucoup de renonciations, de tentations, de combats, de persécutions, de toutes sortes de sacrifices. Mais la définition que je préfère demeure celle de H. Urs Von Balthasar : Si l’amour des saints s’est enflammé pour Dieu, c’est parce qu’ils se savaient aimés de façon absolue, et qu’ils voulaient faire de leur existence une réponse à cet amour absolu.

En définitive, si le Pape se permet de présenter en modèle certains membres de l’Église, c’est en vertu de la loi de l’incarnation. Je m’explique : Jésus est le Saint par excellence. Notre modèle à tous. À chaque époque, des hommes et des femmes se sont engagés à si bien l’imiter, qu’on a reconnu en eux, en elles, des exemples stimulants et édifiants. Pensez par exemple à saint François d’Assise, à saint Thomas d’Aquin, à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus… ils ont tous quelque chose à dire à l’Église, quelque chose qui nous parle de Dieu.

Il me semble qu’on gagnerait tous à lire leur vie, à les fréquenter, à les prendre pour modèle, en exemple. Voilà pourquoi l’Église s’évertue à béatifier et à canoniser. Par ailleurs, est-ce que nous avons pris conscience que notre coin de pays a été fondé par des saints ? Des hommes et des femmes qui, comme m’a dit un jour un enfant en regardant un vitrail, ont laissé passer la lumière de Jésus ?

 

Richard Depairon, curé-pasteur


     Unité pastorale Montréal-Nord